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 Vous serez sans doute surpris que j'aie attendu aussi longtemps pour le voir - sachant qu'il est sorti il y a deux ans, le 20 janvier 2021 - alors que je semblais enthousiaste et impatiente de découvrir l'adaptation de la pièce au cinéma. Le fait est que j'ai tellement aimé la pièce que j'ai eu peur que le film me déçoive et ne me plaise pas. Je me demandais ce que le réalisateur du film, Fred Cavayé, allait faire des personnages et notamment celui de l'employé du bijoutier. La question qui me taraudait était "Est-ce qu'il va être plus salaud dans le film que dans la pièce?". J'avais peur que le réalisateur aille plus loin dans le film par rapport à la perception que j'avais eue de ce personnage en voyant la pièce. J'ai donc volontairement laissé passer du temps avant de voir le film. Peut-être qu'au fond il y a deux ans le moment n'était pas propice pour regarder le film parce que je ne m'étais pas prête à le faire sans penser à la pièce. C'est le sentiment que j'ai avec le recul. 

 Je l'ai donc vu il y a quelques semaines et je reconnais que cela a été difficile de ne pas le comparer à la pièce. Voici mon ressenti. 

On retrouve dans le film l'atmosphère oppressante de l'époque avec l'aoccupation de la France par les Allemands, le boycott des commerces tenus par les Juifs qu'il y avait dans la pièce mais en plus fort bien sûr vu que c'est un film et que l'on a plus que la bande sonore donnée par la radio dans la pièce pour se mettre dans l'ambiance, le contexte. 

 Les trois acteurs principaux du film ont très bien incarné les personnages et j'ai beaucoup aimé ce qu'ils en ont fait. 

Daniel Auteuil est toujours aussi excellent quel que soit le rôle qu'il joue. Son Monsieur Haffmann est fort, courageux, résistant, faisant au mieux pour cacher sa peur d'être arrêté. 

 Gilles Lellouche campe un Pierre Mercier - l'employé de Monsieur Haffmann - très réaliste qui va même plus loin que dans la pièce. Contrairement à Monsieur Haffmann, il exprime clairement sa peur et celle-ci le pousse vraiment à fond dans ses retranchements. Obsédé par sa volonté de tout faire pour protéger sa femme - du moins c'est l'excuse qu'il donne tout au long de l'histoire pour justifier ses actes, il finit par craquer et prend de gros risques en sachant quelles conséquences peuvent avoir ses actes mais il choisit de ne pas y penser. Comme dans la pièce, ce personnage nous questionne sur notre part d'humanité et de monstruosité. On se demande forcément ce que l'on aurait fait dans une telle situation. Il est clair que c'est une ordure, mais peut on vraiment le juger en sachant le pourquoi de son comportement et de ses actes ? A chacun d'entre nous de répondre à cette question...

 Face à lui, Sara Giraudeau joue l'épouse et elle est à mon avis la plus touchante de ce trio d'acteurs. Elle incarne avec beaucoup de douceur et de finesse cette femme aimante, discrète, dévouée mais soumise qui s'affirme de plus en plus vis-à-vis d'un mari sous l'emprise de la peur qui finit par commettre des actes pouvant se retourner contre lui. Elle ne fait pas le même effet que Julie Cavanna, qui jouait l'épouse de l'employé dans la pièce et on remarque une différence de tempérament, de caractère pour ce personnage entre la pièce et le film. Les deux actrices n'ont pas abordé le personnage de la même façon à mon avis, elles n'en ont peut-être pas eu la même perception, ce qui fait que l'épouse dans le film est plus effacée que dans la pièce elle est plus rebelle, plus dynamique et n'hésite pas à dire tout de suite ce qu'elle pense à son mari. J'ai aimé les deux versions de l'épouse mais j'ai une préférence pour celle du film car elle m'a plus touchée. 

 Au final, je trouve que le film va plus loin que la pièce dans le sens où le réalisateur Fred Cavayé a donné plus de relief, de profondeur aux personnages de l'employé de la bijouterie et de sa femme. Il les pousse dans leurs retranchements, les oblige à aller jusqu'au bout de leurs convictions quand ils prennent position par rapport à Monsieur Haffmann, à révéler leur part d'humanité en nous interrogeant sur la nôtre au passage. C'est un film réussi, émouvant et qui nous fait réfléchir. Quand un réalisateur adapte un roman ou une pièce de théâtre au cinéma en cherchant à se démarquer de l'oeuvre originale, qu'il en exprime sa propre vision, son parti-pris, qu'il va plus loin ou adopte un angle différent, c'est là que cela devient intéressant. On en vient à dissocier les deux oeuvres, les deux versions car même si elles ont la même histoire en point de départ, elles la racontent de manière différente. Dans le cas présent, c'est réussi et le film mérite d'être vu. Si mon article vous donne envie de le voir, on peut le trouver en DVD, à l'achat ou la location sur Youtube. 

Sur ce, je vous remercie de m'avoir lue et vous dis à bientôt pour un prochain article.